Le soutien institutionnel
Tout cela a pu se développer grâce au soutien indéfectible des directeurs d’institut qui notamment intimaient les directeurs d’unité d’inciter les membres des laboratoires à accéder aux services Mathrice. Ce soutien politique était nécessaire.
Il y a une notion de proximité géographique qui relève du hasard : Chritian Peskine et Joël Marchand étaient dans le même laboratoire, à l’IMJ ; Guy Métivier avait été directeur de l’IMB de Bordeaux où exerçait Philippe Depouilly ; Christoph Sorger était du LMJL à Nantes et Jacquelin Charbonnel du LAREMA à Angers. Il y avait ce lien très proche entre le directeur de Mathrice et le directeur d’institut… qui était le premier utilisateur de nos services.
Les directeurs de laboratoires eux aussi ont joué le jeu en acceptant que les ASR en laboratoire puissent aussi participer à Mathrice en nous offrant l’hébergement. Les quatre premiers sites de la PLM, historiquement, sont : Bordeaux, Lille, Angers et Lyon. Cela implique aussi, si une intervention doit être faite sur les machines, que l’ASR local intervienne. Et pour cela aussi, les directeurs de laboratoires ont joué le jeu.
Laurent Azéma, comment êtes-vous arrivé à Mathrice ?
Je suis arrivé en mathématiques en 2008 sur une création de poste au laboratoire de Lyon avec une quotité pour Mathrice. Je suis allé à Bordeaux rencontrer Philippe. J’étais plutôt un ingénieur réseau; je travaillais sur le campus de la Doua à Villeurbanne. J’avais un métier à apprendre : ingénieur système. Je me suis servi de la PLM comme apprentissage. En 2012 j’ai été référent infrastructure de la PLM. J’animais la réunion hebdomadaire de la PLM-team. En 2015, nous commencions à préparer le projet de renouvellement du GDS pour le mandat d’après. Cela m’a paru logique de m’engager sur le mandat de direction. Il fallait faire un bilan, recontacter tous les laboratoires, établir un nouveau projet. Ce projet était soumis à l’Insmi, étudié par le comité national, les sociétés savantes étaient consultées. Dès 2016 l’Insmi m’a dit que le mandat pour les GdS, comme pour les unités de recherche, était désormais de 5 ans… Et c’est tant mieux que j’aie porté l’année 2020 sur les épaules en fin de mandat, plutôt que d’ouvrir le mandat suivant par cette année si particulière !
A cette époque nous faisions face à une nouvelle évolution des métiers. Certains informaticiens se rapprochaient plus de la recherche et se consacraient au calcul scientifique. Si le nombre d’ASR dans les laboratoires restait stable, une partie de l’administration système était désormais assurée par les universités. D’autre part, la dimension réseau de métier Mathrice s’est un peu mise en retrait face à d’autres offres, par exemple RESINFO, la liste nationale du réseau des informaticiens du CNRS. Les échanges sur les questions métier se sont déplacés sur cette liste. Le besoin d’échanger au niveau Mathrice dans un environnement communauté mathématique a un peu diminué depuis l’époque du mandat de Joël où le réseau était jeune, où les informaticiens étaient isolés et très demandeurs d’échanges, et où l’animation de la liste de diffusion Mathrice était un enjeu majeur. Autre évolution, il y a eu des actions nationales : JoSy, les journées systèmes de RESINFO, qui incluaient des retours d’expériences. Là encore, les besoins avaient évolué depuis les premières années de Mathrice, où il y avait eu l’initiative et la volonté d’uniformiser à toute la communauté ce qu’on mettait au service des chercheurs d’un laboratoire. La construction de pratiques communes a été un enjeu majeur des dix premières années de Mathrice. Et, dernier point, l’informatique a évolué.
Le défi du stockage
Jacquelin a beaucoup développé l’aspect formation. Je me suis plutôt axé sur l’infrastructure de la PLM, c’est-à-dire le matériel dont on a besoin pour déployer des services. La PLMbox était arrivée en saturation de l’espace de stockage parce que l’usage avait augmenté. C’est un service qui a rencontré son public, très vite on a été dépassé. Cela fonctionnait par quotas proposés aux utilisateurs. On n’avait pas mis les moyens pour assurer si tout le monde les utilisait au maximum. Il fallait remettre en question l’infrastructure.
Pour rappel, sous le mandat de Jacquelin, nous avons pu acheter du matériel et remettre les quatre sites d’hébergement de la PLM à jour, et identiques. Avec cette crise de croissance de la PLMbox, dans le périmètre budgétaire qui était celui de Mathrice, nous avons décidé de concentrer les ressources de stockage sur un site, avec un matériel qui pourrait être évolutif. Il y a encore très peu de services en multisites, mais cela n’empêche pas des migrations de site. A l’origine, la PLMbox était à Lyon, elle a migré à Bordeaux. La messagerie, de Lille, a migré à Lyon. Après quoi la question de regrouper les forces s’est posée : a-t-on besoin de tous ces sites ou peut-on faire autrement ?
Les laboratoires nous offrent l’hébergement. En répartissant cette charge sur plusieurs laboratoires, c’est une sorte d’équité sans dépendre d’un seul laboratoire. Le fait d’héberger nos services est sans contrepartie : les capacités, les armoires électriques sont celles du laboratoire ; les serveurs sont du matériel Mathrice mais consomment du réseau et de l’énergie dans ces laboratoires. A cela s’ajoute la mobilisation des personnels : quand il faut intervenir sur les machines, c’est l’ASR local qui le fait. Il faut qu’il soit disponible pour le service, qui est national.
En revanche, les laboratoires sont conscients du service rendu à Mathrice. A Lyon, c’était ressenti comme important pour l’image de mon laboratoire. Que je participe à Mathrice, que je m’investisse dans la PLM, que je devienne directeur de Mathrice participent aussi à la reconnaissance du rôle du laboratoire pour la communauté nationale.
Le défi du codage et la PLM dans les nuages
Le deuxième élément de ce mandat a été une seconde remise en cause de l’architecture de l’infrastructure pour des raisons stratégiques. Le développement logiciel était apparu dans le métier d’ASR : la mode des SDx « software-defined everything ». Qu’il s’agisse de réseau, de stockage ou de système, tout devenait défini par du code informatique. C’est une vraie évolution de notre métier, qui est apparue comme une évidence dès les Journées Réseaux de l’Enseignement Supérieur JRES2017. De nouveaux supports sont apparus, comme la forge logicielle gitlab, la PLMlab ou l’hébergement web sous forme de conteneurs avec l’infrastructure OpenShift, PLMshift.
Si nous avons à consacrer plus de temps à définir les services et les infrastructures sur du code, où pouvons-nous gagner du temps ? Peut-être en se déchargeant de la gestion physique des serveurs. C’est là que nous avons envisagé le cloud computing : l’hébergement des ressources sur des infrastructures extérieures… En français, « la PLM dans les nuages ».
Le cloud envisagé pour la PLM correspond à des ressources « recherche » qui sont destinées aux membres de laboratoires. L’idée est de tirer de la PLM une expérience utile aux laboratoires pour leur utilisation de telles ressources. L’inconvénient est le niveau de service qui n’est pas celui d’un cloud pour applications de gestion. Cela demande des adaptations de la PLM à ce nouvel environnement pour obtenir une certaine résilience.
A la fin du mandat, nous avons demandé un financement à l’Insmi pour faire une étude ambitieuse. Nous voulions nous appuyer sur notre réseau national pour demander aux ASR d’explorer les clouds des universités où ils exercent. Cette grande enquête devait nous permettre d’élaborer un grand tableau comparatif des clouds et d’en choisir pour la PLM, avec l’idée que cette étude puisse être aussi utilisée par les laboratoires.
Fin de mandat rime avec élaboration du projet pour le mandat suivant. Sandrine Layrisse était la référente réseau métier de Mathrice. Elle a accepté de prendre la tête du groupe de réflexion sur le prochain projet. Bien sûr nous avons intégré l’évolution de l’infrastructure dans le document fin 2019 sans prévoir ce qui allait arriver.
Quand la pandémie est arrivée, nous avions tout juste commencé l’exploration des cloud par GRICAD sur le site de Grenoble. A une réunion entre Mathrice et Gricad, nous avions établi un canevas des questions que chacun allait devoir se poser sur chacun des sites. En parallèle, à Orsay, nous avions des contacts avec IJClab qui opérait une infrastructure cloud participant au réseau national FGcloud animé par France Grille. Nous avons eu accès à des ressources de test pour évaluer la solution. La pandémie a interrompu l’étude mais a accéléré le processus de décision. Du projet restaient deux sites de cloud avec lesquels nous avons commencé les négociations pour devancer la mise en oeuvre du projet du mandat suivant.